la rubrique de Doc Pédago

Publié le par Sauvons l'Ecole Pour Tous Bruche

Un problème à résoudre ? Une question à poser ? Une souffrance à exprimer ?  Doc Pédago est là qui vous écoute et vous répond.

Chère Doc pédago, permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma sincère admiration pour le travail tout à fait remarquable que vous-même et le comité de rédaction du collectif SEPT fournissez. Textes de grande qualité, analyses profondes et approche très pédagogique confèrent à votre lettre d’information un niveau qui la place aux côtés des plus grandes publications nationales. Si, si ! J’insiste.

Je suis professeur des écoles depuis une vingtaine d’années dans une école de village du Nord de l’Alsace. Je vous demande aujourd’hui conseil car mon directeur, nouvellement nommé, me rend la vie impossible. Il a annoncé d’emblée en arrivant être venu pour redresser le niveau de l’école. Il décide  de tout tout seul et a supprimé les sorties scolaires « improductives » selon lui, il hurle dans sa classe à longueur de journée et traite mes anciens élèves de « sales gosses ». Il critique mon travail, dit ouvertement en conseil d’école que les résultats aux évaluations de CM2, insuffisants à ses yeux, sont la conséquence du « pédagogisme » qui a précédé son arrivée et donc de mon incompétence. J’ai du refuser dernièrement qu’il vienne dans ma classe me donner des conseils pédagogiques. J’ai toujours été correctement notée et j’aime mon travail auprès des enfants mais j’avoue avoir de moins en moins envie d’aller travailler et je ne suis pas loin de me sentir harcelée.

Que dois-je faire ? Comment tenir jusqu’à la retraite ?

 

 

DP : Chère collègue, ton cas, douloureux, se banalise hélas de jour en jour. Toutes les orientations ministérielles comme la gestion des « ressources humaines » font la part belle à la compétition, à la suspicion et aux Kapos. Ton chef petit ne fait qu’appliquer avec zèle et jouissance malsaine les injonctions de notre hiérarchie. J’aimerais bien te dire que cela ne durera pas mais ce serait te mentir. Les résultats de 2012, quels qu’ils soient, n’infléchiront que peu ou pas la tendance. Il faudra sûrement encore beaucoup de désastres et beaucoup de temps avant que cet intégrisme de la performance chiffrée ne passe. 

En attendant, tu dois survivre ne serait-ce que dans l’intérêt des enfants. Je te propose donc un

 petit manuel de guérilla scolaire en dix leçons

 

1ère partie : survivre.

 

Leçon numéro 1 : Prendre soin de ses bases arrières. Tu as une famille, un compagnon ; prends en soin comme tu veilleras à prendre soin de toi. Pour tenir, tu auras besoin de paix dans ton foyer et d’oxygène par une activité artistique ou sportive. La bataille risque de durer des années avant que l’odieux personnage ne se résolve à changer de poste aussi tu devras t’installer dans une attitude de marathonienne. Surtout pas de sprint mais des petites foulées et une bonne oxygénation.

 

Leçon numéro 2 : Préserver le plaisir et l’estime de soi. Le chien de garde néolibéral craint le plaisir partagé comme le vampire craint le soleil. En dépit de tous ses efforts, ta classe doit rester un lieu où il fait bon apprendre et grandir. Tu as eu entièrement raison de lui en interdire l’accès. Il l’aurait polluée. Voir les enfants heureux d’aller en classe avec toi, voir les parents afficher leur confiance en toi le minera cruellement sans qu’il ne puisse rien dire. Cette estime que tu as de toi qu’il tente de détruire, les enfants et les parents la reconstruiront. Une bonne part de sa nuisance sera ainsi neutralisée.

 

Leçon numéro 3 : Se garder de tout espoir. Agir par nécessité morale et pour t’amuser, pas dans la perspective d’un succès. Savoir se camoufler, se fondre, quitte à paraître se plier. Il faut survivre, durer pour résister et garder la flamme. Etre insaisissable, jouer à cache-cache. Comme ces enfants qui jouent à aller trop loin sans jamais se faire punir. Tu as du en croiser peut être. Jamais de choc frontal ! En présence de tiers, tu veilleras à être toujours courtoise, irréprochable, quitte à te lâcher en tête à tête, mais ces situations sont à éviter. Cède sur tout s’il le faut, mens, triche sans vergogne, promets sans jamais tenir : sois à la fois Gandhi, Gaston Lagaffe et Che Guévara : une anguille.

 

2ème partie : résister. Tu n’es plus une victime, c’est fini.

 

Leçon numéro 4 : Résister par le rire. Iznogoud ignore le rire. Il ricane des autres mais sait pas rire de lui. Tu peux le ridiculiser, il ne saura répondre que par des hurlements qui se retourneront encore contre lui. Il se voit tellement sérieux, tellement terrifiant et puissant, le pauvre. C’est un géant aux pieds d’argile, une baudruche, malfaisante certes mais totalement infatuée. Flatte le par exemple au conseil d’école, passe lui la pommade de façon si obséquieuse, en lui donnant du « Monsieur le directeur », que tout le monde s’amusera de le voir bouillir ou recevoir tes louanges tout ébahi. Il se vengera peut être en privé mais ta victoire aura été publique tout comme son impuissance à y faire face.

 

Leçon numéro 5 : Résister en groupe, trouver des alliances, noyauter, isoler Iznogoud. Très vite il n’aura plus dans l’école que le soutien de l’inévitable lèche-bottes de service, et encore... Certes, il cherche plus à être craint que respecté et apprécié mais la vie lui sera plus dure et psychologiquement il ne sera plus maître du terrain. Il doit être en terrain étranger dans l’école, si possible hostile. Il sera comme une armée d’occupation avec des tanks et du matériel lourd inadaptés à la guérilla espiègle que tu lui imposeras.

Leçon numéro 6 : Monter un collectif comme le SEPT, prendre contact avec les zones voisines, les syndicats et propager l’incendie. Créer un contre-pouvoir local. Aller parler avec les maires et les adjoints ils subissent eux aussi le poids les contre-réformes néolibérales et t’accorderont une oreille bien plus favorable que tu ne le crois. Ton problème est celui de dizaines de personnes autour de toi et dépasse largement le cadre de l’école.

 

3ème partie : riposter et en finir avec l’occupant. 

 

Leçon numéro 7 : Retourner sa violence contre lui. Manipule-le, provoque-le, piège-le sans le moindre scrupule. Le but est qu’à force d’exaspération il se rende lui-même odieux aux yeux de tous. Il doit prendre par fierté, par défi ou pour toute autre mauvaise raison des décisions désastreuses dont il devra rendre compte. Sorties annulées au dernier moment, gaffe, mépris des parents du comité ...

A toi d’utiliser ce qu’il pense être sa force pour le faire tomber. Il s’agit là de gagner la bataille de l’opinion publique en faisant en sorte qu’il se montre spontanément odieux. A toi d’exploiter ses bavures et d’en faire des armes médiatiques. 

 

Leçon numéro 8 : Saboter l’école ! Attention, je ne te conseille pas de plastiquer les locaux, (bien que certains continuent à voir dans le collectif un ramassis de quasi terroristes irresponsables), non juste de saboter les résultats des évaluations, tout simplement en ne trichant pas alors que tous les collègues le font. Il pilote par la performance ? Et bien donne lui des performances qui lui fasse honte quand il les présentera à l’inspecteur. Tes élèves seront aussi bons qu’avant et les parents ne s’y tromperont pas. Tant que les enfants sont heureux de venir en classe avec toi et progressent, les parents te seront acquis. Que pèse un pourcentage face à son enfant qui réussit et s’épanouit ? Avec l’aide de tes autres collègues, fais en sorte qu’aux évaluations nationales, ses excellents résultats apparaissent comme le résultat d’une tricherie tellement évidente que lui-même hésitera à les présenter. Tu le couperas ainsi de ses bases arrières et tu brouilleras ses communications. La panique est proche.

 

Leçon numéro 9 : Saboter sa réputation dans l’école et auprès des collègues en racontant ses délires de manière à ce qu’on rit de lui. Quand ce n’est pas possible, raconte ce qui se passe dans sa classe. Je suis prête à parier qu’on y frôle la bavure une fois par jour. (Il n’aurait aucune chance d’avoir de bons indicateurs autrement). Les animations pédagogiques sont le lieu idéal pour cet exercice. Pour cela, tu devras créer un réseau d’informateurs parmi les parents de tes anciens élèves. Les infos reviendront fatalement aux oreilles de ton inspecteur et Iznogoud se sentira espionné, en but à une malveillance invisible. Très très mauvais pour les nerfs et le moral ! Prendre contact avec ses anciens collègues, ils t’apprendront plein de choses intéressantes.

 

Leçon numéro 10 : Ruiner sa réputation dans le village. J’ai cru comprendre que tu exerçais depuis plusieurs années, tu n’es donc pas loin d’avoir dans ta classe les enfants de tes premiers élèves. Tu es dans la place, lui n’est qu’une déplorable anecdote. S’il habite le village c’est encore mieux ! Dois-je vraiment te donner encore des conseils précis ? Je ne le crois pas. 

 

Si tout se passe normalement, le pauvre se retirera la queue entre les jambes avant que tu n’aies abattu toutes tes cartes. Alors amuse-toi bien et tiens moi au courant.

 

 

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